[Récit] Trail des citadelles … Saison 2
C’était donc la deuxième année que j’affrontais ce parcours de 40km, 2000m D+, en pays cathare. Les conditions sont bien sur différentes. En 2015, j’étais à un mois à peine de mon premier marathon, après une récupération un peu courte mais en forme. Cette fois, j’ai réduit l’entrainement en février après mon échéance cambodgienne râtée, afin de prendre le temps pour que mon cher kiné XRun, Philippe Hérisson, puisse me tortu… me soigner le talon avec sa machine du diabl.. ses ondes de choc. Je n’ai donc fait qu’un vrai bloc de préparation d’un mois. Et, comme c’est un problème éternel chez moi, j’ai bien sur pris 4 kg depuis l’année dernière à la même époque, et même depuis les Templiers. Pas la joie, mais j’avais besoin de penser à autre chose. Fi des mauvaises excuses, j’honore mon premier vrai dossard de la saison sur un parcours que j’avais pas mal subi. L’année dernière, le slogan était « Créateur de boue depuis 1999 », cette année c’est « Mud Origin » (clin d’oeil au Trail Origin des Templiers). Vous l’aurez compris, le Trail des Citadelles assume parfaitement sa réputation de bain de boue du circuit trail.
Mais pourquoi tu y retournes ?
Je pourrais vous dire que j’adore toujours ce parcours, les pays dans lequel se déroule ce trail, pour sa beauté et son passé chargé d’histoire. Bien sur, l’émerveillement marche mieux la première fois mais c’est trop tard, j’adore cette course pour beaucoup de raisons, dont l’ambiance et la grande qualité de l’organisation. Ça suffit pour aller replonger dans cet enfer de gadoue ? Oui. Mais j’y retourne avec plusieurs intentions un peu plus « sportives ». La première, même si ma préparation est loin d’être au top, est qu’il est toujours intéressant de refaire une course pour jauger ses éventuels progrès et travailler la gestion, portion par portion, en terrain connu. D’autant que je suis chez XRun Trail depuis juin avec un premier objectif d’apprendre à gérer et développer un foncier de traileur. La deuxième : je veux affronter mes démons. Je sais que cette course, avec sa boue liquide très glissante, alterne montées de pure montagne, parcours roulant quoique que gras et surtout des bonnes grosses descentes bien casse-gueule. Ils sont là, terrés dans ces descentes, mes démons. Je relis mon récit de 2015 pour bien visualiser le calvaire promis. Quoique la météo a été clémente la semaine avant. La veille, il fait même un soleil radieux et 24°C. Bien sur les organisateurs sont des pros et ils ont « commandé » la pluie juste la nuit avant la course pour éviter qu’il y ait trop de poussière, dixit Michel Arnaud, le directeur de course, au briefing. Une parenthèse : je suis enchanté d’avoir pu saluer Michel, avec qui j’ai pas mal discuté sur les résosocios et dont je partage un gout immodéré pour le gros heavy metal, à défaut de partager ses qualités de coureurs.
Lavelanet, dimanche, 8h00, c’est parti. Je laisse les 4/5ème du peloton m’enrhumer à partir trop vite. J’ai jusqu’à présent beaucoup gagné à écouter mon coach Frédéric Lejeune et ne pas me laisser emporter sur les débuts roulants. La première partie nous amène au pied du « pog » du tristement célèbre château cathare de Montségur. 8km environ pour déjà 500 m de D+ dans une montée assez régulière. Et là surprise. Mon souvenir d’une partie encombrée mais roulante sont faussés : la fameuse boue liquide est déjà là dés que nous sortons de la ville. Comment c’est possible ça ? Ils ont des canons à boue ? Le moindre pas me coute une énergie de dingue pour ne pas glisser de deux pas en arrière. Et je vois que j’ai toujours autant de problème à m’engager franchement dans les brèves descentes.
Montsegur
Arrive enfin le château. Un seul chemin, emprunté depuis plus de 8 siècles, et dont la roche, bien érodée, glisse même par beau temps, comme j’ai pu le tester la veille en allant le visiter avec Anne-Claire. Plus de 250 m de dénivelé sur 500m de distance. Et qui dit un seul chemin dit chassé croisé permanent entre ceux qui montent et ceux qui descendent. Je croise d’ailleurs mon pote Stephan – un traileur confirmé mais aussi un sub 3h au marathon – qui m’héberge dans sa maison familiale. La circulation bi-directionnelle fait partie du jeu. Heureusement, la courtoisie semble être une valeur du trail et tout se passe bien.
Arrivé en haut, 1h 36 mn de sont écoulées. A la minute près, le même chrono qu’en 2015. Tu parles d’une progression. Bon rien n’est joué, il reste plus de 30 km. La splendide vue sur la vallée depuis le château est masquée par un épais brouillard. Tant pis. Je passe devant le photographe officiel, je contourne les remparts et c’est la descente.
Le gros du peloton a l’air déjà pas mal passé. Je suis donc dans le dernier quart. Au moins, je ne suis pas gêné par les montants. En bas du « pog », j’accélère avec la ferme intention de faire mieux que la ballade d’il y a un an.
10h16 (14km) – Montferrier
Après une longue descente assez roulante, à la boue plutôt grasse et collante, j’arrive encore à la minute près avec le même temps de passage au 1er ravito. C’est une malédiction. Je n’ai rien gagné. J’avoue que ça met un peu un coup au moral. Je ne le sais pas alors mais j’ai quand même gagné 26 places. A mon avis, il doit déjà y avoir pas mal d’abandon. Mais je fais le plein, bananes, Tucs, boisson et je repars. Le terrain reste gras mais ça déroule. Et j’adore toujours l’ambiance encore brumeuse de ce passage dans les bois.
Après une deuxième bosse je me retrouve devant le deuxième monstre : le château de Roquefixade sur son rocher vertigineux. Plus de 400m de D+ sur moins de 3 km. Mais je sais que je dois prendre mon mal en patience et pousser sur les bâtons. En haut, il y a une petite ligne de crête caillouteuse et une autre histoire.
Et devinez quoi, j’arrive en haut au bout de 4h09 …. comme l’année dernière. Pour le coup, là je me désespère un peu. J’entame la descente où je sais que je vais à la rencontre de mon démon : un passage dans le genre torrent de boue, où mon seul salut sera de bien viser les arbres pour tenter de m’y accrocher. L’année dernière, j’avais subi ce passage qui ne doit pas excéder 1 km. Passant d’une chute me maculant de boue de la tête au pied à une autre, avec la crampe de réaction qui va bien. Me faisant doubler par les premiers du 73 km qui semblent voler sur la gadoue liquide. Mais la différence météorologique de l’année va changer la donne. Et le passage en question, que j’ai bien reconnu, est juste gras et glissant par endroit mais praticable pour un handicapé comme moi. Pas pire que certains passages de la forêt de Meudon. Je prends même un peu plus de risque, excédé par cette stagnation chronométrique que je traine depuis le début.
12h41 – 29 km – 2ème ravito
J’arrive au ravitaillement du très joli parc de Roquefort-les-Cascades. Je prends une vraie pause. J’ai 12 minutes d’avance sur mon temps précédent. Enfin un peu de gain. Même si je sais que je le dois d’abord au terrain et à la météo qui ont fait disparaitre ma plus grande crainte. Du coup, mon mental va changer à partir de là. Je me fixe un nouvel objectif : faire mieux que l’année dernière et si possible moins de 7h. J’avais fait un décevant 7h 21. Je fais un rapide bilan de la forme en repartant. Les 6 prochains kilomètres empruntent un chemin un peu différent, mais avec une alternance de petites bosses et de passage roulant. J’applique l’enseignement de XRun. On est largement dans le dernier tiers. Voir même quart. J’ai encore du jus. J’accélère sur le moindre passage roulant. Je visualise l’autre démon qui m’attend à la fin.
13h50 – 34,5 km : Ravito de Raissac
J’ai encore gagné 11mn et donc ai 23 mn d’avance sur 2015. Je tiens le bon bout. Le deuxième démon est devant moi : un mur de 230 m de D+ sur 1 km, suivi, avant la descente finale, de 3,5 km de crêtes qui m’avait ruiné les pieds avec leurs cailloux taillés comme des couteaux. Cette année je n’ai pas négligé mon protocole Tano + Nok les semaines précédentes. Mes pieds sont près et ne me feront pas souffrir même si j’ai beaucoup moins de semelle et d’amorti sur mes Altra Lone Peak. J’envoie un SMS à ma chérie pour la prévenir. L’année dernière j’avais mis plus d’1h15 pour finir depuis là, je lui annonce que je serai là entre 45 mn et 1h environ. Confiant mais raisonnable.
J’aborde le mur sereinement, avec les bâtons. J’y croise pas mal de gens assis qui tentent de trouver un peu de souffle pour finir. Ca me rappelle la montée du Cade aux Templiers. J’ai les yeux sur l’altimètre de ma Suunto et j’attends patiemment que celui-ci indique 820 m d’altitude. Je n’ai pas pris mon cardio mais je sens qu’il ne s’emballe pas. Arrivé en haut, les pompiers s’occupent d’une personne mal en point. Je démarre sur la crête. J’allège ma foulée au maximum. J’accélère et je me permets de reprendre un douzaine de coureurs. Ne laissant que les dossards bleus du 73km – au moins le top 20 – me doubler. A ce moment, mon coach Fred est mon meilleur pote. Je n’en reviens pas du jus que j’ai encore quand je compare à la souffrance de l’année dernière. C’est presque énervant. J’arrive enfin devant le premier crucifix. Saluant mon pote Jesus au passage, enfin le bénévole qui m’encourage en dessous de la croix. J’emboite le pas à une coureuse que j’ai souvent retrouvée sur le parcours. Je sais que c’est encore un peu technique jusqu’au deuxième crucifix. Mais à ce moment, je suis aux anges. Là se trouve la corde pour la descente qui finit carrément dans un jardin en pleine ville avec le public qui acclame en bas. Je suis à fond. Je finis sur le parking au sprint, reprenant d’une manière très peu cavalière quelques coureurs, dont la fameuse coureuse que j’ai suivi pendant tout ce temps. 6h45. J’ai gagné 36 minutes au total.
Bilan
La progression est top. Je dois, bien sur, une partie du gain aux conditions différentes mais quand même, c’est rassurant. C’est la 3ème fois, après l’Alesia Trail et les Templiers, que je me rends compte de l’effet de mon travail sur la gestion. Et je finis encore dans un état de fraicheur presque énervant. Mais là, le progrès se traduit en dizaines de minutes gagnées. Merci XRun.
Par contre, mes lacunes techniques sont bien là, surtout en descente en terrain difficile, aussi bien dans les cailloux que dans la boue glissante. Je finis dans le dernier quart du classement en étant presque trop frais. Je dois bien être le seul à ne pas avoir de la boue sur mon cuissard, ce qui trahit mon manque d’engagement dans le terrain gras. Je n’ai pris aucun risque. Même si la descente de Roquefixade a été plus facile pour moi, j’ai quand même perdu 10 places sur quelques kilomètres … et j’en ai regagné 20 sur la fin. Je suis 442ème sur 551 (+ 23 arrêts), pas de quoi pavoiser. Plus de la moitié des coureurs de cette épreuve sont en dessous des 6 heures. Je me dis qu’il faut que je revienne l’année prochaine pour m’approcher de ce nouvel objectif. Cette alternance équilibrée de roulant boueux, grosses montées et grosses descentes est parfaite pour se jauger sur un terrain varié. Et j’adore ce coin, le pays d’Olmes, les paysages pyrénéens y sont grandioses.
Le sentier cathare me reverra surement. Le sud-ouest est mon pays de toute façon. En plus, ça fait plaisir à ma famille de pouvoir me gaver de magret de canard après la course.
Au niveau matériel, j’étais en territoire déjà connu. Je peux juste dire que je confirme tout le bien que j’ai déjà dit de mes Altra Lone Peak Loneshell qui ont pourtant mauvaise réputation dans la boue.
Pingback: [Test] Altra Superior 2.0 et Lone Peak 2.0 Neoshell … une révélation ? | Endomorfun
Merci pour cette belle histoire.
Moi qui rêve de passer sur de ultra..ce m motive d’autant plus
40 km, on est loin d’un ultra. Pour l’instant, l’ultra c’est pas ça pour moi. Deux tentatives de faire 100 km, deux échecs.