Runningologie pour les nuls : Les filières énergétiques de notre organisme

J’ai beau avoir fait des études dites «scientifiques», je ne suis pas particulièrement intéressé par la science au quotidien. Sauf, bien sur, quand elle m’aide à être meilleur dans mes passions. Pour ce qui est du sport, et surtout de la course à pied en endurance, on est vite submergé par des termes empruntés aussi bien au domaine médical qu’à la biochimie. Et quand on débarque, on s’y perd vite. Là, on invoque son allergie aux explications scientifiques prétendant que rien ne remplace les sensations.

Je suis bien entendu d’accord avec cette dernière assertion. Mais j’aime comprendre les choses. Et en abordant mes premiers plan d’entrainement, en fréquentant mes premiers coachs, en achetant ma première montre GPS/Cardio, je me suis vite intéressé au volet scientifique de l’entrainement. Celui qui explique le pourquoi du comment de nos séances de course à ce que nous sommes sensés manger.

Du coup, je me dis que, pour rappeler l’orientation débutant de ce blog, il est temps de faire une synthèse de ce que j’ai compris et de me transformer, le temps d’un article, en Michel Chevalet ou Jamy de «C’est pas sorcier», selon votre préférence générationnelle.

Sauf qu’ici, je suis plutôt dans un mode «je m’explique à moi-même». Je suis donc ouvert aux critiques et corrections des experts qui se seraient perdus par ici. J’ai lu et compilé beaucoup de choses et, croyez-moi, j’ai aussi trouvé beaucoup d’explications contradictoires et compliquées. J’ai essayé de dégager ce qui était le plus consensuel.

Rappel de vos cours de biologie au collège (oui de SVT pour les jeunes) : notre organisme est une vrai centrale énergétique. Nous consommons des carburants, les aliments, et un comburant pour bruler tout ça, l’oxygène. Nous faisons tourner la machine, les muscles, le cerveau … et nous rejetons des déchets, du gaz carbonique, de l’eau par transpiration. Et même, nous recyclons une partie des déchets pour recréer de l’énergie. C’est le cas du lactate, venant de l’acide lactique, ou de la créatine. Mais j’y reviendrai.

Vous suivez encore ? Ne fuyez pas tout de suite, surtout si vous avez un bac littéraire (n’est-ce pas Anne-Claire ?). C’est promis, je vais tenter une vulgarisation efficace.

Produire de l’énergie en chimie demande une réaction chimique sur une molécule de carburant. La réaction va libérer l’énergie. C’est le principe d’un moteur à explosion et d’à peu près tous les phénomènes énergétiques de la nature. Oui même dans une centrale nucléaire. Notre carburant dans sa forme moléculaire s’appelle ATP. Rien à voir avec un classement mondial de tennismen, c’est simplement l’acronyme d’Adénosine Tri-Phosphate.

Nos muscles ont donc besoin d’ATP. Il suffirait d’avoir un gros stock d’ATP pour avoir une endurance d’ultra-trailer. Oui mais voilà, c‘est une molécule très lourde. J’ai lu sur un site (voir lien en bas de page) qu’il faudrait environ 50 kg d’ATP pour courir un 10 km. Ramené au poids d’un coureur élite, ça ne laisse plus beaucoup de poids pour le reste.

La nature étant bien faite, si nous ne stockons qu’une très petite quantité d’ATP, nous sommes bien équipés pour le produire au fur et à mesure des besoins. Là intervient la centrale énergétique humaine. Le métabolisme.

L'ATP et ses 3 phosphates (orange)

L’ATP et ses 3 phosphates (orange)

Comme pour produire de l’électricité, nous disposons de plusieurs moyens, des filières. Point de charbon ou de fission nucléaire dans votre estomac et vos poumons, nous avons 3 filières. On les distingue selon qu’elle consomme ou non de l’oxygène et qu’elle produise ou non un  «déchet» gênant : l’acide lactique. Ce dernier est le responsable de l’épuisement des muscles. Les jambes lourdes par exemple.

Vous êtes toujours là ? Bon attaquons les filières en détail. N’oubliez pas qu’à la fin vous comprendrez pourquoi vous devez travailler différentes allures ou manger ceci ou cela.

La filière anaérobie alactique

C’est la plus simple des filières : elle ne consomme pas d’oxygène et ne produit pas d’acide lactique. La classe non ? Le problème c’est qu’elle utilise une molécule présente dans le muscle, la phospho-créatine, qui permet une libération rapide de l’énergie mais que nous n’avons qu’en très petite quantité. C’est donc la filière des efforts puissants de quelques secondes. Le sprint par exemple. On a bien essayé d’augmenter artificiellement la créatine nécessaire à la phospho-créatine par ingestion. Mais cette pratique augmenterait le risque de cancer et est interdite en France.

Il va falloir trouver autre chose pour votre prochain marathon. On ne fait pas les 24 heures du Mans en dragster.

La filière anaérobie lactique

Anaérobie signifie que l’on ne consomme toujours pas d’oxygène. Par contre, cette fois on va avoir le problème de l’acide lactique. Pour le carburant, il s‘agit là du fameux glycogène. Oui oui, celui là même à qui l’on doit la tradition de la pasta party.

Les aliments dit à sucres lents, ou riche en hydrate de carbone (les anglais disent «carbs»), contiennent le glucose qui par réaction chimique va donner le glycogène. On stocke ce dernier dans les cellules musculaires et le foie.

Le coureur béotien va avoir tendance à travailler dans cette filière. Mais la production d’acide lactique, provoquant l’épuisement, est proportionnelle à l’intensité de l’effort. Il ne va tenir quelques minutes.

On est encore loin d’un fonctionnement idéal pour nous, coureurs de fond.

En dosant notre effort, nous allons réussir à rester dans la dernière zone beaucoup plus intéressante à plus d’un titre, aussi bien pour l’ultra-traileur que pour les obsédés du maillot de bain sur la plage.

La filière aérobie

En dessous d’une certaine intensité, la réaction de production d’ATP à partir du glycogène – la glycolyse – ne génère plus d’acide lactique. Elle sait en plus travailler à partir d’un autre carburant, les acides gras libres dont nous stockons une quantité plus qu’intéressante dans la graisse. Oui j’ai bien dit que cette filière évitait l’épuisement musculaire et faisait maigrir. Comme son nom l’indique, elle utilise de l’oxygène. Beaucoup d’oxygène.

La vitesse en dessous de laquelle nous n’allons plus avoir de production d’acide lactique est souvent désignée comme «seuil anaérobie» ou «seuil lactique». Concrètement, vous allez courir vos courses au delà de 10 km en dessous de ce seuil.

Là, je vois des yeux qui brillent et d’autres qui doutent. Vous vous rappelez que l’on parle souvent de Vitesse Maximale Aérobie, ou VMA, dans la littérature «runningienne». Serait-ce la vitesse correspondant à ce seuil ?  Mais, dans ce cas, pourquoi votre coach définit le fameux «seuil anaérobie» entre 85 et 90% de votre VMA et pas 100%. A n’y rien comprendre. Alors Jamy ?

Et si on mélangeait un peu les 3 filières ?

Oui, tout n’est pas simple. Vous n’avez pas un bouton qui vous permet de passer du gaz au charbon puis à l’éolienne. Vous utilisez les 3 filières en même temps. Arghhh … ne partez pas tout de suite. Au début de votre course vous allez être en mode contact et accélérateur, dans l’anaérobie alactique pour quelques secondes. La glycolyse prend le relais. La version anaérobie lactique domine quelques minutes jusqu’à ce que vous ayez assez d’oxygène pour que la version aérobie devienne prépondérante. Il faut juste comprendre que les deux versions «cohabitent» dans une certaine plage d’intensité d’effort. En haut de cette plage, se trouve la vitesse correspondant à la limite de consommation d’oxygène. La VMA. Celle-ci est liée au Volume Maximum d’oxygène que vous pouvez absorber (mesuré par le VO2 Max). Au dessus de la VMA, plus d’aérobie.

En bas de la plage de cohabitation, se trouve le seuil. En dessous, plus de production d’acide lactique. On peut donc dire que cette plage de cohabitation des deux filières est entre 85% et 100% de VMA. De toute façon, le but est de rester en dessous du seuil. Sinon notre «ami» lactique se charge de déclencher fatigue et douleur.

Il reste un problème. Notre stock de glycogène dans les muscles et le foie reste trop faibles, malgré les plats de riz, de patates et de pâtes que nous avons mangé 3 jours avant le marathon de notre vie. En plus, il a un rendement faible. Un peu comme si on remettait de l’ordinaire au lieu du sans plomb 98.

Il serait donc intéressant que notre organisme consomme surtout la graisse qui a un  meilleur rendement – environ 15 fois plus – et un très gros stock. Ca arrangerait tout le monde non ? Mais, bien sur, là encore, ce n’est pas aussi simple. L’utilisation des lipides pour produire l’ATP est lente à se mettre en oeuvre. Un vrai diesel. Avant cela, nous tapons dans le stock venant du glucose.

Et là normalement, si vous n’avez pas avalé toute la boite de nurophen, vous comprenez pourquoi votre coach vous dit que pour consommer de la graisse, il faut courir dans une zone de confort, sans être essoufflé, et surtout longtemps. L’endurance fondamentale du footing.

A ce stade, si vous m’avez suivi, vous devriez mieux comprendre les différentes séances des plans d’entrainement :

  • La zone diesel permet d’habituer son organisme à consommer plus de graisse que de sucre. D’où l’utilité des sorties longues.
  • Pour aller plus vite, un seul moyen : augmenter sa VMA. D’où le travail de fractionné rapide à 100% ou plus de VMA sur des efforts courts. De toute façon, il est impossible de faire long à cette intensité. Comme le seuil est en pourcentage de VMA, plus cette dernière est haute, plus le seuil suivra. Logique.
  • Pour tenir le seuil le plus longtemps possible, donc aller vite sur une durée conséquente, il faut du fractionné long à vitesse seuil.

Conclusion pour ceux qui ont tenu jusqu’au bout

Je viens de tenter une explication de l’usine à gaz (carbonique) que notre organisme met en oeuvre dans la course à pied. Comprendre à peu près ces mécanismes vous permet de lire Jogging International sans avoir l’air d’une poule devant un couteau. C’est sur.

Vous me comprenez peut-être mieux si je vous dis qu’avant d’avoir assez d’oxygène pour utiliser le diesel de l’aérobie, vous tournez sur les réserves insuffisantes du sang venant de votre rythme cardiaque au repos et vous vous endettez. Pour éviter un endettement trop important, une solution est de contrôler les dépenses et donc s’échauffer à allure footing avant un effort important ou de ne pas se «cramer» en allant trop vite au début de la course. Ainsi vous vous préparez à l’aérobie le plus efficacement et rapidement possible. Ca c’est pour le souffle.

Pour ce qui est du carburant :  si malheureusement, vous persistez à consommer votre précieux stock de glycogène venant du glucose, stocké dans les muscles et le foie, et bien, à épuisement, vous aller rencontrer … le mur.

Pour ceux qui pensent que j’ai un peu trop simplifié le discours ou les geeks qui veulent aller plus loin, je vous mets quelques liens beaucoup plus scientifiques qui m’ont bien aidé pour la rédaction de cet article :

Les bonnes explications avec formules chimiques à la clef.

http://www.courir-plus-loin.com/du-carburant-a-lenergie-les-filieres-energetiques-en-course-a-pied/

 

Encore plus scientifique, la définition de tous les paramètres courant pour définir un effort physique. http://www.premiumwanadoo.com/ivanborcard/parametres%20test%20d%20effort.htm

Pour aller plus loin dans l’utilisation des graisses, une interview traduite d’un spécialiste des régimes « low carb » : http://paleophil.com/2013/08/04/prologue-interview-stephen-phinney-in-french/

 

 

 

9 Comments on “Runningologie pour les nuls : Les filières énergétiques de notre organisme

    • Précisément, je parlais au début de « recyclage » du lactate. Mais dire ça n’apporte rien à mon explication à part embrouiller les allergiques à la science. La néoglucogenèse permet de générer du glucose dans le foie à partir du lactate. C’était plus simple d’évoquer un simple recyclage 🙂

  1. Intéressant et bien expliqué. Merci pour ce billet Jean-Guillaume.

  2. Très bon article bien pédagogue… Moi je n’ai pas encore trouvé mon seuil et comme j’ai des origines portugaises, je vais de plus en plus vite pour aller au mur mais après je vais le reconstruire 🙂

  3. Superbes explications, très claires. J’ai tout compris, enfin surtout que je courrais n’importe comment (au feeling). Prochaine sortie en appliquant ces conseils.

  4. Pingback: Test de la Garmin Fenix 2 pour le running, le trail, la natation et le vélo | Endomorfun

  5. Pingback: Prépa Saintélyon 2014 – Episode 2 – Semaine 6 à 8 | Endomorfun

  6. merci pour ce résumé bien construit … dans deux jours c’est cours pour moi, je repars avec les idées plus claires …. je file découvrir la suite du blog

Strava de J.G.